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Photo du rédacteurNadia Freneuil

Les inconvénients des punitions : pourquoi elles sont inefficaces et nocives ?



Pourquoi les punitions sont inefficaces

1. Les punitions sont des signes d’impuissance

Punir n’est pas manifester son autorité. Nous punissons par manque d’autorité. – Isabelle Filliozat

Les punitions sapent progressivement l’autorité des parents :


  • les enfants finissent par se protéger de leurs sentiments désagréables. Ils se « blindent » par un « je m’en fiche » ou « même pas mal »,

  • les punitions doivent être de plus en plus sévères parce qu’elles sont inefficaces sur le long terme.

Les punitions sont souvent infligées sous le coup de l’exaspération et sont par conséquent irrationnelles, disproportionnées, et sans rapport avec le comportement qui pose problème.

2. Besoin d’une organisation sans faille des adultes

📷Pour qu’une punition soit efficace, Thomas Gordon nous explique dans son livre « Eduquer sans punir » qu’il faut suivre quelques règles techniques :

– Un comportement déjà puni doit être systématiquement puni, sinon cela signifie que le comportement en question est finalement négociable, voire acceptable

Or la cohérence est difficile à assumer au quotidien : il faudrait être en permanence derrière les enfants et mettre de côté nos propres humeurs (un jour où on est de bonne humeur, on pourra plus facilement supporter des comportements qui posent pourtant problème habituellement).

– La punition doit suivre immédiatement le comportement indésirable

Les « experts » de la modification du comportement s’accordent pour dire qu’une punition plus efficace quand elle punit immédiatement le comportement indésirable. On en revient au problème n°1 : non seulement il faudrait suivre les enfants à la trace mais il faudrait aussi être champion de sprint :-).

– La personne qui punit doit veiller à ce que le comportement puni ne soit jamais récompensé

Pourtant, il arrive souvent qu’un comportement puni soit par ailleurs puni moins sévèrement, voire récompensé : par l’autre parent, par un autre enseignant (certains profs sont sévères et d’autres plus tolérants), par les camarades (un enfant qui fait le pitre en classe est récompensé par les rires des autres enfants par exemple).

– Les enfants ne doivent pas être punis trop sévèrement ni trop souvent car ils risqueraient de développer des stratégies efficaces pour y échapper (cesser de faire des efforts, quitter la pièce ou l’école, s’enfuir de la maison, s’évader pour n’importe quel moyen)

Si on punit les enfants trop sévèrement ou trop souvent, ils développeront des moyens d’y échapper (par le mensonge notamment), ils renonceront à essayer ou s’enfuiront dès qu’ils seront assez âgés.

3. La « petite » punition

On peut entendre le même discours pour la fessée et la punition : « une petite punition, ça n’a jamais tué personne ». Or c’est le serpent qui se mord la queue : une punition légère n’a aucun effet dissuasif :-)… à quoi peut-elle bien servir dans ce cas ?

Au contraire, les punitions légères peuvent même inciter les enfants à recommencer puisqu’ils attirent ainsi l’attention sans pour autant souffrir.

📷

4. Les risques des punitions sévères : l’escalade vers la violence

Le cercle vicieux des punitions peut amener à de vraies violences : quand la punition légère ne fonctionne pas, l’adulte peut être tenté d’infliger une punition plus sévère… mais si la punition plus sévère ne fonctionne pas non plus, quelle alternative reste-t-il ? Secouer, enfermer, frapper ?

C’est alors qu’on peut entendre des adultes rationaliser le recours à la violence :

Il faut montrer qui dirige. Les enfants ne doivent pas gagner. Nous ne voulions pas qu’il pense pouvoir s’en sortir comme ça.

5. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent

Les punitions sont efficaces… à court terme et quand le « contrôleur » n’est pas là.

Des études ont même montré que les enfants habituellement punis se montrent plus agressifs et perturbateurs quand ils sont laissés à eux-mêmes. Les punitions imposées par les adultes n’inculquent pas l’auto discipline aux enfants.

6. Les adultes finissent toujours par manquer de punition

Au fur et à mesure que les enfants grandissent, les parents perdent leur pouvoir à se faire obéir au moyen de punitions. Les punitions physiques et non physiques perdent leur impact auprès des adolescents car non seulement ils deviennent plus en plus forts et capables de riposter et/ou de se défendre mais ils sont aussi de plus en plus autonomes (scooter ou permis de conduire, argent de poche…).

Je me souviens d’une scène vue dans une série récemment : le fils de 16 ans revient du lycée avec une mauvaise note. La mère le prive de sortie pour une semaine… mais l’ado répond qu’il est déjà privé de sortie pour un mois. Elle le punit d’argent de poche… idem, il est déjà puni d’argent de poche. Elle le punit alors d’Internet… toujours pareil, déjà puni. Elle finit par lui lancer : « Trouve ta punition toi-même et tu viendras m’en parler ».

Pourquoi les punitions sont nocives

1. Les 4 de la punition selon la discipline positive : résultats négatifs à long terme

Jane Nelsen propose un modèle pour résumer les résultats négatifs des punitions à long terme : les 4″R » de la punition.

. La Rancœur

Les enfants punis peuvent estimer que d’une part la punition n’est pas juste et d’autre part ils ne peuvent pas faire confiance aux parents.

. La Revanche

Les enfants punis auront envie de gagner à la prochaine confrontation pour rééquilibre le jeu de pouvoir.

. La Rébellion

La plupart des enfants punis refusent la soumission. Ils ont alors à cœur de prouver aux adultes que ces derniers ne peuvent pas les obliger à faire ce qu’ils veulent.

. Le Retrait

Le retrait peut s’exprimer sous deux formes :

l’élaboration de stratégies du « pas vu, pas pris »

la baisse de l’estime de soi : « Je ne vaux rien, je suis méchant, je suis nul, je mérite de souffrir voire de mourir ».

2. La punition, source d’agressivité et de violence

📷Dans son livre « Pour une enfance heureuse », Catherine Gueguen expose des études neuroscientifiques en faveur d’une éducation sans violence éducative ordinaire (dont les punitions font partie).

Par exemple, Jeewook Choi, de l’université de Harvard, à publié une étude en 2009 qui montre que les paroles humiliantes, méprisantes, blessantes ont des répercussions néfastes sur le cerveau des enfants et altèrent le fonctionnement des circuits neuronaux et de zones participant à la compréhension du langage.

D’autres études montrent que la violence éducative ordinaire induisent des risques d’agressivité chez les enfants qui en sont victimes.

Une discipline trop rigoureuse peut provoquer l’inverse du but recherché.

Plus le parent est dur, rigide, non compréhensif, plus l’enfant ressent de la colère contre le parent. Il peut devenir réellement agressif. Il va faire subir aux autres ce qu’il a subi, c’est-à-dire les dominer, les soumettre par la force, l’humiliation. La provocation devient sa manière d’être. – Catherine Gueguen

Par ailleurs, la « morale » de la punition entraîne une confusion des règles éthiques : « on a le droit de faire souffrir quelqu’un pour faire du bien ».

Pour aller plus loin sur le sujet des dernières recherches neuroscientifiques en faveur de l’éducation bienveillante, je vous invite à regarder cette vidéo.

3. C’est pour ton bien : le culte de l’obéissance

Au lieu de considérer l’obéissance à l’autorité comme une vertu, nos devrions la voir comme une maladie devenue courante dans notre société. Nous sommes en train de créer de futurs citoyens qui obéiront aux ordres sans se poser de question. – Thomas Gordon

Pour pouvoir obéir même quand certains actes vont à l’encontre de leur conscience ou de leur moral, les personnes qui ont été habituées à obéir se persuadent qu’ils ne sont pas responsables de leurs actes, comme un agent d’une autorité externe. L’obéissance à l’autorité enlève la maîtrise de soi et le sens des responsabilités : on devient capable d’obéir en contredisant les notions de bien et de mal.

📷Le culte de l’obéissance amène l’individu à obéir à des ordres injustes, inhumains, dégradants, comme l’Histoire l’a démontré à plusieurs reprises.

Alice Miller en parle bien dans son livre C’est pour ton bien. Il y décrypte les racines de la violence et dénonce les méfaits de l’éducation traditionnelle. Pour elle, on trouve toujours à l’origine de la pire violence, celle qu’on s’inflige à soi-même ou celle que l’on fait subir à autrui, le meurtre de l’âme enfantine.

Or comprendre et apaiser les enfants ne veut pas dire céder et être laxiste : lire cet article pour en saisir les nuances.

4. Estime de soi et amour de soi détériorés

Un enfant blessé dans son intégrité ne cesse pas d’aimer ses parents. Il cesse de s’aimer lui-même. – Jesper Juul

Les punitions font honte à l’enfant et bloquent le processus sain de culpabilité. Au lieu de chercher à réparer et à progresser en tant que personne, les enfants punis se sentent mauvais en tant que personne.

Les punitions risquent de détuire la joie et la créativité des enfants.  Pour Maria Montessori, la pire punition qui existe est le découragement, qui équivaut à la perte de l’élan vital incitant à agir, à créer, à progresser, à travailler.

📷

5. Les punitions peuvent nuire à la santé et au bien être des enfants

L’éducation par la peur et les punitions génèrent du stress chez l’enfant. Or le stress est associé à une sécrétion trop élevée de cortisol qui a de nombreuses répercussions néfastes sur l’organisme.

Par exemple, le stress dans l’enfance réduit les télomères (qui constituent l’extrémité du chromosome). Les télomères protègent le chromosome de l’effet du temps et de l’environnement. Le stress et les traumatismes dans la petite enfance accélèrent le raccourcissement des télomères et font donc vieillir plus vite et amoindrissent l’espérance de vie (source : Pour une enfance heureuse).

Catherine Gueguen écrit : « la sécrétion prolongée de cortisol peut aussi modifier le métabolisme et l’immunité de l’organisme, entraîner le développement de maladies chroniques, des maladies auto-immunes et avoir des effets redoutables sur le cerveau immature de l’enfant. »

6. Les sens de l’auto discipline et de la responsabilité individuelle négligés

Les punitions s’adressent aux symptômes et non aux causes des problèmes. Comme le problème ne sera pas résolu, il se manifestera de nouveau par d’autres comportements intolérables.

📷

Les punitions évitent aux enfants de faire face aux conséquences de leurs actes : elles les éloignent du sentiment de responsabilité.

Comme l’enfant « paye » par la punition, il se vit comme exonéré de la faute et ne s’y attarde donc pas. – Isabelle Filliozat

Les punitions stimulent le circuit du stress et empêchent l’enfant de réfléchir à ce qu’il a fait. La mémoire gardera trace seulement de la peur, de l’envie de rébellion, du sentiment d’injustice mais pas du comportement à éviter qui a déclenché la punition.

Les punitions enseignent la peur du gendarme et non pas l’auto discipline. Les enfants évitent un comportement non pas parce qu’ils en ont compris la dangerosité ou le caractère irrespectueux, mais seulement pour éviter une punition désagréable. Elles empêchent la prise de conscience des conséquences de l’acte commis car tout l’être de l’enfant est accaparé par des sentiments négatifs : colère, peur, injustice…

Les punitions portent atteinte à la relation parents/ enfants. Elles vident le réservoir affectif de l’enfant, c’est-à-dire « le carburant » qui va permettre à l’enfant d’affronter toutes les contrariétés de sa journée. Quand le réservoir affectif de l’enfant est vide, il a plus de chance d’adopter un comportement inapproprié.

7. La punition enseigne le mensonge

Plutôt qu’adopter des comportements respectueux, certains enfants vont développer 2 types de stratégies :


  • ne pas se faire prendre (« pas vu, pas pris »),

  • mentir pour se couvrir et ne pas se faire punir.

8. Le pouvoir finit toujours par se payer : il est dangereux pour la santé du « contrôleur »

L’exercice du pouvoir autoritaire a des conséquences néfastes sur celui qui l’exerce :


  • perte de temps en surveillance et contrôle

  • isolement par rapport aux personnes contrôlées

  • stress par crainte de perdre le pouvoir

  • réduction de la communication (les contrôlés raisonnent ainsi « ce que mon père/ ma mère/ mon prof ne sait pas ne me fait pas de mal » ou « ne lui dites que ce qu’il veut entendre »)

Thomas Gordon écrit :

La dissension et la rébellion sont inévitables sous les règnes totalitaires. Si la dissension est réprimée, elle devient clandestine pendant un moment, puis réapparaît plus tard sous forme de rébellion.

Les punitions déclenchent par ailleurs une envie de vengeance chez les punis : les contrôleurs s’exposent alors à un risque de vengeance et de rébellion. Cela peut passer par des actes d’agression ou de violence à l’égard des professeurs et/ou des parents. Quand l’enfant associe l’adulte à de la douleur ou à la honte, l’adulte en question perd toute légitimité et toute confiance de la part de l’enfant.

Lorsque que quelqu’un entend ma demande comme une exigence, je le paie à chaque fois très cher, car le lien empathique est rompu et le plaisir de donner, détruit. Je perds alors ce qui m’était le plus précieux, ma relation de confiance avec l’autre. – Marshall Rosenberg

Il est possible d’éduquer sans punir, d’être souple sur les émotions mais ferme sur le comportement. Des exemples dans ces 2 articles :



http://apprendreaeduquer.fr/inconvenients-punitions/

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