La colère réparatrice, c’est quoi ? A quoi ça sert ?
📷Isabelle Filliozat est une psychologue-psychothérapeute, mère de deux enfants. Elle a écrit de nombreux ouvrages à propos des émotions et des relations parents/ enfants dont le livre « Je t’en veux, je t’aime ou comment réparer la relation à ses parents ». Ce livre propose un accompagnement sur le chemin de la réconciliation avec ses parents et aborde la notion de colère réparatrice chez l’enfant.
J’ai particulièrement apprécié les prises de position de l’auteure en faveur des droits des enfants.
Elle écrit que ce ne sont pas les frustrations ou les injustices qui traumatisent les enfants et les poursuivent jusque dans leur vie d’adulte, mais plutôt l’interdiction d’exprimer les émotions déclenchées par ces blessures.
Qu’est-ce qu’un abus de pouvoir parental ?
Isabelle Filliozat dénonce les abus de pouvoir auxquels ont recours de nombreux parents, enseignants, adultes qui abîment la personnalité en construction de l’enfant. Pour la psychothérapeute, il y a abus de pouvoir dès que l’enfant n’est pas respecté :
dans ses besoins (d’attention, de câlin, d’écoute, de valorisation),
en tant que personne (privée de liberté, privée de son jugement personnel ou encore humiliée).
Il n’est pas normal pour un parent d’obtenir obéissance par tout moyen à sa disposition (comme la soumission par la peur ou la menace, le chantage affectif, la privation, l’asphyxie des papas ou mamans poules) ni de disposer du corps de l’enfant (par des fessées ou autres châtiments corporels).
Isabelle Filliozat cite Mireille, une patiente qui écrit à sa mère ultra autoritaire mais fière de ses enfants sages :« Je n’étais pas bien élevée, j’avais peur. »
Les parents qui corrigent leurs enfants « pour leur bien » ne se rendent pas compte qu’ils leur font du mal, que leurs enfants ne peuvent pas être eux-mêmes, qu’ils sont au bord du désespoir et qu’ils effacent progressivement leur conscience d’eux-mêmes, leur identité.
Caroline et Joseph Messinger abondent dans le sens d’Isabelle Filliozat : « C’est pour ton bien » est l’argument suprême du parent en déroute qui coupe court à tout dialogue. Ce n’est pas tant le refus qui va provoquer une opposition de l’enfant mais le caractère frauduleux de l’argument : quelle que soit notre position en tant que parent, nous devons l’exprimer franchement et accepter que l’enfant communique ses opinions sans le brimer.
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Pourquoi la violence (physique ou psychologique) n’est pas une méthode d’éducation recevable ?
La violence (même modérée comme une tape sur les doigts) qu’elle soit physique ou psychologique (humiliations, reproches, critiques, insultes…) abîme profondément l’enfant qui se considère alors comme un objet et non une personne. En outre, la violence génère chez lui l’envie de vengeance.
On est effectivement en droit de se demander si la fessée a une réelle valeur éducative quand des adultes disent se souvenir d’une raclée mémorable sans se rappeler ce qui l’a justifiée.
La violence éducative fait appel à la peur et à la soumission mais ne sollicite pas l’intelligence ni la compréhension des règles.
De plus, elle légitime la violence comme moyen acceptable de résoudre des conflits et viole les droits fondamentaux des enfants.
La colère réparatrice, c’est quoi ?
Isabelle Filliozat décrit l’importance de l’expression des émotions dans le processus de construction de la personnalité d’un enfant. Elle parle de « colère réparatrice« .
La colère est un mouvement émotionnel. Elle est à écouter pour ce qu’elle est et non comme une accusation.
La colère est l’expression d’une frustration, d’une blessure de l’enfant.
La colère n’est pas une volonté de tester les parents, de les pousser à bout ou de leur faire honte en public.
Une fessée, un reproche, un refus (d’acheter un jouet, des bonbons, de faire un tour de manège supplémentaire…) blessent profondément l’enfant. Mais ce n’est pas la blessure ni la frustration qui abîment l’identité de l’enfant, c’est l’impossibilité d’exprimer les émotions associées à cette situation.
Si l’adulte sait accueillir les émotions de l’enfant, sa colère, alors l’enfant sera capable de guérir ses blessures. C’est parce que la colère de l’enfant est entendue, reconnue comme légitime, acceptée, accompagnée avec des paroles de compréhension, voire même encouragée que l’enfant comprend qu’il peut désirer sans obtenir, qu’il peut continuer à exister malgré le manque (du jouet, des bonbons ou du tour de manège).
Comme Isabelle Filliozat le souligne à nouveau dans son ouvrage « J’ai tout essayé« , l’enfant a le droit d’éprouver de la colère, c’est l’émotion naturelle de la frustration. Une façon de donner le droit d’avoir des désirs à l’enfant tout en lui apprenant à mettre des mots sur son vécu serait par exemple de dire : « C’est vrai, c’est vraiment frustrant de ne pas avoir le bonbon que tu voulais. »
La colère réparatrice, à quoi ça sert ?
Isabelle Filliozat insiste bien sur la différence entre écouter une émotion et donner satisfaction sur tout. Une certaine dose de frustration est structurante de l’identité. Mais un enfant qui se voit refuser ce qu’il demande et qui ne peut par ailleurs pas exprimer sa colère pour se réparer de cette frustration développera un sentiment d’impuissance.
Les parents doivent reconnaître les peurs, les tristesses, les rages, les douleurs de l’enfant pour que toutes ces émotions ne restent pas sous forme de tensions dans l’organisme. La colère doit être autorisée pour que la réparation de la blessure ou de la frustration se fasse.
Les symptômes qui affectent de nombreux enfants, adolescents et adultes (comme les maladies psychosomatiques, la fuite dans les drogues, les tics ou tocs, voire les suicides) ont souvent pour origine des émotions qui ont été interdites ou qui n’ont pas été entendues. Pleurer soulage et ne doit pas être interdit, dévalorisé ni moqué par les parents sous peine de créer des maux et douleurs dans le corps et dans le cœur.
Les émotions ont besoin d’être libérées sinon elles oppressent. Pour autant, elle peuvent et doivent être exprimées de manière respectueuse : je vous invite à lire cet article pour apprendre aux enfants comment exprimer leur colère de manière respectueuse. On pourra aussi dire à l’enfant qu’il a le droit d’être frustré, qu’on l’aime même quand il est en colère mais qu’on a besoin d’être traité avec respect et qu’on ne le laissera pas nous taper/ nous insulter.
La colère n’est pas une réaction dont il faut se débarrasser à tout prix. Ce n’est pas de la méchanceté. La violence détruit, la colère répare. – Isabelle Filliozat
Isabelle Fillozat accorde une très grande importance à l’empathie dans la relation parents/ enfants et incitent les parents à se préoccuper de ce que leurs enfants ressentent, à écouter leurs besoins, à porter attention à leurs sentiments et leurs émotions.
Au delà d’un chemin vers la guérison des blessures d’adultes liées à l’enfance, au delà d’un chemin vers la réconciliation avec ses parents, « Je t’en veux, je t’aime » est une vraie prise de conscience de l’importance de l’expression des souffrances, de la reconnaissance des blessures et de l’accueil de la colère des enfants.
………………………………………………………………………………………….. A lire : JE T’EN VEUX JE T AIME📷 d’Isabelle Filliozat
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